L’artiste Arik Weiss aime créer des œuvres monumentales et osées qui révèlent sans détour ses centres d’intérêt.
Une immense khamsa dorée orne un mur de son studio, son majeur pointant vers l’extérieur pour un message sans équivoque. Sur un autre mur, une photo du visage d’Arik Weiss, entièrement recouvert des lanières de cuir noires de ses phylactères à la manière d’une momie ; à côté, une impression en noir et blanc de son visage, cette fois-ci dissimulé derrière un masque à gaz sur laquelle trône le boîtier noir de ses tefillin.
Il apporte ses bagues style tefillin — une bague gris sombre ressemblant à un boîtier miniature de tefillin pour l’un, et une autre semblable à deux lanières enroulées autour du doigt.
« Lorsque des gens non religieux voient ça, ils disent ‘Waouh, la religion a vraiment une emprise sur vous’ », explique-t-il. « Lorsque des religieux les voient, ils disent : ‘Quelle profanation du nom de Dieu, pourquoi jouez-vous avec les tefillin ?’ »
L’artiste reste indifférent à ces commentaires.
« C’est la vie d’Arik », sourit-il. « Cette œuvre dit que c’est l’expérience consistant à placer les phylactères — pour montrer via l’art ma sanctification du nom de Dieu, ma relation à Dieu — qui vient de l’amour. C’est ma vie, et je ne peux pas séparer les deux. »
Il a pourtant essayé. Ça oui, il a essayé.
Il a travaillé pendant des décennies dans le milieu de la publicité et du design graphique, mettant au point des concepts, des emballages et des slogans pour des produits.
(C’est d’ailleurs toujours son travail, avec des clients comprenant la boulangerie Lechem Shel Tomer, Fishen Chips ou encore Burgers Bar, dont le design en noir et blanc présente une forte ressemblance avec les boîtiers de tefillin.)
« J’étais ‘le type à la kippa’ », dit celui qui a été formé par la Wizo au sujet de ses années passées à Tel Aviv. « C’est comme ça qu’on m’identifiait’. »
Il y a environ neuf ans, il décide de donner vie aux idées qui lui trottent dans la tête depuis une éternité, toutes axées autour de sa vie de Juif orthodoxe moderne résidant à Kfar Adumim, une implantation juive située de l’autre côté de la Ligne verte, en périphérie de Jérusalem.
« Si Dieu était mon client, comment je le vendrais ? » s’interroge Arik Weiss. « Tout ce que je vois, c’est que Dieu est dans les détails. »
De manières les plus littérales qui soient.
Les œuvres d’Arik Weiss sont des commentaires chocs des aspects les plus communs, les plus courants de sa vie très juive.
Il réalise des rouleaux d’épais ruban adhésif ornés de mots comme hametz, les produits levés traditionnellement consommés à Pessah. Pourquoi de l’adhésif ? Car le mot hébreu correspondant, devek, est à la racine de deveikut, le terme utilisé pour désigner l’adhésion à Dieu et sa parole.
Il conçoit des savons artisanaux parfumés à la citronnelle ou à la cannelle portant la phrase en hébreu neki chapa’im, ou « mains propres », qui revêt également une double signification. Dans les Psaumes, il est fait référence aux mains métaphoriquement propres.
Pour une autre exposition, il a créé une série de tampons, correspondant chacun à un mot renvoyant à une prière de la liturgie de Yom Kippour sur ceux qui doivent vivre et ceux qui doivent mourir.
Il a également créé des gobelets de kiddouch en argent massif, dont l’un, « Kiddouch à emporter », vendu 900 euros, ressemble aux tasses en carton de Starbucks et autres. Appréciant visiblement le thème du plastique à usage unique, il a également réalisé une tasse en argent jetable, une autre œuvre en argent massif conçue pour sembler destinée à la poubelle.
« C’est très conceptuel, très juif », estime-t-il.
Lorsqu’il a décidé de laisser son côté artistique prendre le dessus, il s’est rendu dans une galerie chic de Tel Aviv, sans kippa sur la tête. Au bout de quelques minutes d’entretiens avec les responsables de la galerie, il leur confie qu’il est religieux, de droite et qu’il vit dans une implantation de Cisjordanie.
Ces directeurs de galerie « ne représentaient pas les personnes religieuses, et encore moins les résidents d’implantation », indique-t-il.
Mais quand ils ont vu son travail, celui-ci a parlé de lui-même, se félicite Arik Weiss.
Ils ont présenté son travail dans l’exposition « Totafot », qui comprenait « Devant toi », des personnages blancs de la taille d’un homme — un moulage de l’artiste — se tenant debout, courbé et se prosternant pour prier. Parmi les autres œuvres de l’exposition : des tables de chevet noires, fixées au mur et ressemblant à des boîtiers géants de phylactères, une assiette de spaghetti de tefillin et un panneau stop rouge avec une main enveloppée dans des lanières en cuir.
« C’est conceptuel, mais également fonctionnel », explique-t-il. « Cela parle de mon intimité avec Dieu. »
Après Tel Aviv, il a été exposé plusieurs fois en solo et collectivement, notamment à la Biennale de Jérusalem. Il s’est vu devenir plus religieux qu’avant, avec une plus grande proximité à Dieu, car il continue d’examiner ces liens de façon quotidienne.
« Je travaille de plus en plus sur mon art, et ça m’a permis de renouveler ma relation à Dieu. Je pense à Dieu tous les jours », confie-t-il.
Il s’est récemment plongé dans commentaires graphiques de la gematria, un code associant un chiffre à une lettre hébraïque, qui additionnés révèlent le sens caché d’un nom, d’un mot, d’une expression.
Il aime toujours la publicité, et pour lui tout est jeu de mots.
Ses impressions de gematria saisissantes, en noir et blanc, ressemblent aux pages du Talmud divisées de façon géométrique, une autre obsession récente. Arik Weiss s’amuse avec ses pages depuis des semaines, les envisageant en 3D ou sous la forme d’une grille de carrés et de rectangles formant des gratte-ciel ou des champs agricoles.
« Je dois sentir les choses dans mes entrailles, ça doit m’évoquer quelque chose », explique-t-il.
Alors qu’il consacre moins de temps à son travail de designer et davantage à son art, il aborde ses projets artistiques et ses expositions comme un publicitaire, trouvant d’abord le concept, puis produisant ses projets souvent onéreux et à la pointe de la technologie à l’aide d’imprimantes 3D et de moules haut-de-gamme.
« Je suis différent des autres artistes », juge-t-il. « Quand j’ai une idée, je pense à ce que ça donnera dans une exposition. Je ne fais pas des choses pour les vendre après. Je travaille à l’envers. »
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